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Attac Haut-Doubs
16 juin 2014

Que faire de l'Europe ? En sortir ou désobéir pour la transformer ?

Le 4 juin 2014 nous avons eu le plaisir de recevoir Michel Husson, (Economiste, membre de la fondation Copernic et du conseil scientifique d'Attac.)  qui est venu nous parler du livre : "Que faire de l'Europe ? " dont il est co-auteur.

24 personnes sont venues pour l'écouter et débattre avec lui.

Ci-dessous le compte rendu de son intervention:

 

Conférence Michel Husson, 4 juin 2014

 

L'Europe, en sortir ou désobéir pour la transformer ?

Cette conférence s’appuie sur le livre rédigé par Attac et la Fondation Copernic : Que faire de l’Europe ? Désobéir pour reconstruire (Les Liens qui Libèrent, 2014). 

1. Etre contre l'Europe d'aujourd'hui, ce n'est pas être contre l'Europe

L'Europe n'a pas toujours été néolibérale. Jusqu'à l'Acte Unique européen de 1986 il y a eu tentative de convergence, d'harmonisation économique, fiscale, sociale ,avec des éléments parallèles de développement économique et social dans les différents pays, même s'il y avait déjà des éléments de libéralisme dans le traité de Rome. Après 1986, suite à la crise des années 70 , on passe d'une logique d'harmonisation à une logique de concurrence qui s'exprime dans l'ouverture des marchés financiers, la libre circulation de capitaux, l'obligation faite aux États d'ouvrir leurs marchés publics

2. L'euro, machine à diverger

Des pays de structure et de niveaux différents dans une même zone économique et une même monnaie, ça ne peut pas marcher, l'ultralibéral Milton Friedman le disait déjà. On croyait que les économies allaient converger par la magie de la monnaie unique, mais il n'y a pas eu de politique active de transferts entre pays pour activer la convergence des économies.

On veut réaliser cette convergence par la discipline budgétaire : imposer des limitations de dépenses publiques et de hausses de salaires aux pays les plus laxistes (3 % de déficit budgétaire, 60 % maximum de dettes rapportées au PIB). Mais il y a un non dit : comme les pays ne peuvent plus dévaluer leur monnaie ils doivent ajuster par la baisse des salaires et des politiques sociales. On appelle ça la dévaluation interne.

Les néolibéraux qui nous gouvernent disent que ce sont les hausses des salaires qui ont creusé le déficit commercial des pays du sud de l’Europe et les ont mis en difficulté : ce qui justifierait les politiques actuelles de baisse des salaires. En fait les salaires dans ces pays n'ont pas augmenté plus vite que la productivité du travail. Mais les divergences dues aux différences de structures n'ont pas été compensées par un budget européen, un budget fédéral comme aux Etats Unis, un budget central comme à l'intérieur d'un pays. On a mis la charrue avant les boeufs en créant une monnaie unique avant d'homogénéiser la situation des pays. Ce qui ne signifie pas qu'une monnaie unique est une mauvaise chose, il faut seulement qu'elle soit instituée dans des conditions favorables.

3. Absurdité apparente des politiques d'austérité 

Même les économistes du FMI le disent : la contraction des dépenses ne réduit pas le déficit. Un État ne fonctionne pas comme un ménage. La baisse des dépenses publiques entraîne la récession qui entraîne une baisse des recettes fiscales de l'État supérieure aux économies réalisées. Ainsi, la Grèce d'aujourd'hui est plus endettée qu'avant les plans d'austérité en proportion du PIB.

Aux USA et en Grande Bretagne, le déficit peut être financé par la banque centrale. On ne dépend pas des marchés financier. Mais en Europe la dépendance des États vis à vis des marchés financiers et le refus de mutualiser la dette entre pays fabriquent de l'austérité supplémentaire. Hollande s'est fait avoir là dessus : il a sous estimé l'effet des politiques d'austérité sur la croissance.

Pourquoi nos dirigeants, qui ne sont pas stupides, s'obstinent-ils dans cette politique absurde ? En fait, leur véritable objectif, c'est les « réformes structurelles » qui détruisent l'État social (flexibilité du marché du travail, baisse des allocs chômage, du salaire minimum, de la santé : voir la Grèce, le Portugal, l’Espagne. Après cette période « d'assainissement » l'économie serait censée repartir . Ces politiques font payer la facture de la crise de 2008 aux peuples et non aux banquiers, aux rentiers dont les actifs ont été protégés par la manne financière des États et qui pourtant « auraient dû prendre leurs pertes » selon un mot de DSK lui même . Ce serait ça le véritable « assainissement ».

4. Que faire ?

Quels sont les objectifs ? Refonder une Europe coopérative et solidaire, sortir de la crise dans la transition écologique (énergies nouvelles, transports en commun, économies d'énergie, etc.). Pour les atteindre, il faut faire sauter les verrous qui conduisent à une accumulation des richesses entre les mains de 1 % de la population. Modifier la répartition des richesses est la seule façon de faire reculer le chômage en période de faible croissance. C'est d’ailleurs la répartition des revenus favorable aux rentiers qui est la principale cause le chômage. 

Il faut aussi déverrouiller l'étau de la dette et la soumission aux marchés financiers (« rassurer le marchés financiers ») sinon ils vous remettent dans le « droit chemin » en augmentant les taux d'intérêts. S’où la nécessité d’une Banque centrale qui finance nos déficits ou oblige les banques à le financer.

Au niveau européen, il faudrait un budget européen très important pour harmoniser les politiques sociales et lancer des grands chantiers d'investissement public. Donc autoriser l'endettement des États pour des projets qui vont dans le sens du bien général. C’est aujourd’hui complètement interdit par les règles européennes (TSCG).

5. Sortir de l'euro ou refonder l’Union européenne ?

Sortir de l'euro permettrait à la Banque de France de financer la dette et nous rendrait plus compétitifs par la dévaluation. En fait sortir de l'euro risque d'augmenter la dette si on rembourse les créanciers en euros, achetés avec des francs dévalués.

De plus, sortir de l'euro ne nous dégagerait pas de l’emprise des marchés financiers. Une monnaie nationale est plus vulnérable aux attaques des marchés financiers que l'euro, elle est exposée à la spéculation et aux dévaluations imposées. Des mesures protectionnistes provoqueraient des attaques sur la monnaie.

On ne peut rien faire en respectant les règles du jeu européen mais pour agir sur l'Europe il vaut mieux rester dedans, pour conserver un projet européen. On pourrait par exemple, sans contrevenir aux lois européennes , trouver des méthodes pour que notre État soit refinancé par la Banque de France. Dans le système actuel la Banque de France prête de l'argent aux banques privées à 1 % pour qu'elles rachètent de la dette publique d’autres pays, à 4 ou 5 % . On pourrait créer une banque spéciale financée par la Banque de France dont le rôle serait de racheter de la dette publique. Par ce montage, tout en respectant les formes européennes on rentrerait dans l'illégalité contre l'Europe, mais pas d'une façon agressive vis à vis des autres pays comme dans le cas de la dévaluation compétitive.

De cette façon on montrerait aux autre pays que c'est possible et on les inviterait à prendre les mêmes mesures : on resterait ainsi dans une logique coopérative. Au contraire la sortie de l'euro et son corollaire, la dévaluation compétitive, nous mettent dans une logique de concurrence entre pays et réaffirme à sa manière le principe de la concurrence libre et non faussée. Une mesure coopérative est une mesure qui n'oppose pas les peuple entre eux, au contraire de la dévaluation, mais qui s'oppose au capital, qui est international. Par la coopération on travaille à changer l'Europe sans renoncer au projet européen.

Dès maintenant on devrait travailler à unifier les revendications sociales dans toute l'Europe en dépit de la diversité des systèmes sociaux. Exemple de revendication coopérative : exiger un salaire minimum dans chaque pays, calé sur le salaire médian de chaque pays (salaire médian différent de salaire moyen : la moitié des salaires sont au dessus , la moitié est au dessous). Pour le moment les syndicats européens n'arrivent pas à se mettre d'accord sur cette revendication ( les syndicats italiens et suédois sont réticents). Pourtant c'est ce genre de revendication symbolique qui manque au mouvement social européen et qui permettrait de lutter contre l'Europe néo libérale sans tomber dans le repli nationaliste

 

 

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